Les 7 enjeux du CCPH

4 – Programmes et mesures destinées aux personnes handicapées

En 2023-2024, les personnes handicapées bénéficiant des interventions des services publics d’emploi ne représentaient que 14,5 % des participants (adultes distincts actifs)33 soit 36 073 personnes. Il faut noter qu’en 2022,  21,0 % des Québécoises et Québécois de 15 ans ou plus vivant en ménage privé avaient une incapacité. Cette proportion représentait environ 1 422 020 personnes. 

Les personnes handicapées en lien avec le MESS bénéficient en beaucoup plus grand nombre de ses mesures passives (Volet « Solidarité sociale ») que de ses mesures actives (Volets « Emploi » et « Aide sociale »). 

Pour augmenter le bassin des personnes handicapées actives sur le marché du travail, il semble primordial de bonifier et de développer l’offre de services actuelle tout en répondant notamment aux questions suivantes :

  • Cette offre est-elle accessible et utilisée à/par l’ensemble des personnes handicapées? Plusieurs acteurs s’entendent par exemple pour dire que les personnes handicapées n’en sont pas suffisamment informées ou que celles sortant avec un diplôme post-secondaire l’utilisent peu. Qu’en est-il aussi pour les personnes immigrantes handicapées34? Cette offre comble-t-elle les besoins des personnes handicapées très éloignées du marché du travail qui ne peuvent même pas travailler en entreprise adaptée, mais qui souhaitent exercer des activités socioprofessionnelles et communautaires?
  • Cette offre permet-elle autant de soutenir l’intégration des personnes handicapées que leur réintégration et leur maintien en emploi, seule une minorité de personnes handicapées (11,4%) l’étant à la naissance35? Existe-t-il des formules de « pré-intégration » où la personne handicapée peut se trouver en situation d’emploi, mais sans être employée (ex. stage)? A ce propos, il faudra veiller à ce que les environnements de stage soient stimulants pour les personnes handicapées qui en bénéficient. 
  • Quelques programmes/mesures spécifiques existent actuellement au Québec pour favoriser l’intégration, la réintégration et le maintien en emploi des personnes handicapées. On pense principalement au Contrat d’intégration au travail (CIT) et au Programme de subvention aux entreprises adaptées (PSEA). Au-delà d’une évolution quantitative du nombre de places dans le CIT ou le PSEA, cette mesure et ce programme ont-ils fait l’objet d’une évaluation en bonne et due forme permettant d’en connaître et d’en comprendre les impacts et retombées économiques et sociales? Quelle est la qualité des emplois36 occupés lors de la participation des personnes handicapées à ces programmes/mesures? Cette participation permet-elle le passage à terme vers un emploi en milieu régulier sans subvention? Dans le contexte actuel et au-delà des services/programmes/mesures spécifiques, n’est-il pas aussi nécessaire de vérifier l’accessibilité et l’usage des services/programmes/mesures d’emploi dits « universels »? Une attention particulière devra être accordée aux services/programmes/mesures permettant le développement des compétences.
  • Plusieurs acteurs s’entendent sur les nombreux obstacles systémiques (par exemple, de l’ordre des attitudes, d’ordre physique ou organisationnel) qui se dressent sur le chemin de l’intégration, de la réintégration et du maintien en emploi des personnes handicapées. L’offre de services existante permet-elle d’intervenir pour surmonter ce genre d’obstacles? L’enjeu suivant abordera cette question de façon plus développée.

NB : Le Mémoire déposé en juin 2023 dans le cadre de la consultation publique pour l’élaboration d’un 4ème Plan gouvernemental de lutte contre la pauvreté (PLP4) fait de l’accès équitable aux Services publics d’emploi (SPE) un des trois enjeux majeurs permettant de lutter contre la pauvreté des PSH.

 

Après avoir examiné la question de l’emploi soutenu, la dernière Revue de littérature offre des pistes d’amélioration des politiques, programmes et services en matière de préparation à l’emploi, d’intégration et de maintien en emploi. 

Approches

Les programmes et les mesures en matière d’emploi sont généralement développés en fonction d’une approche visant à stimuler l’offre, c’est-à-dire changer les règles du marché de telle sorte de favoriser leur embauche, ou la demande de travail, c’est-à-dire veiller à la préparation des individus à assumer le rôle de personne travailleuse.

L’emploi soutenu utilise ces deux perspectives en plaçant rapidement les personnes ayant des incapacités en emploi et en leur offrant ensuite un soutien individualisé afin de les y maintenir.

Emploi soutenu : deux formules

Soutien de base:

Comprend l’ensemble du soutien nécessaire pour l’accueil, la formation, la communication et la résolution des situations difficiles pouvant survenir dans le cadre de la réalisation des tâches, de la gestion du stress, le respect des règles et des relations avec les personnes collègues et superviseures.

Soutien plus:

Comprend tous les services offerts dans la première, ce à quoi s’ajoutent des interventions cognitivocomportementales visant à améliorer le fonctionnement cognitif, les compétences sociales et les stratégies de résolution de problèmes.

  • – La formule de base contribue davantage à l’obtention et le maintien en emploi que la réadaptation professionnelle et la préparation au marché du travail.
  • – La formule plus s’est révélée utile pour celles éprouvant davantage de difficultés à entrer et se maintenir sur le marché du travail après trois mois.
  • – Pour que les effets de ces deux formules se maintiennent dans le temps, il importe que le soutien offert soit offert pour toute la durée de l’emploi.
  • – Les gouvernements canadien et québécois ne proposent pas l’emploi soutenu à l’ensemble des personnes ayant des incapacités sur son territoire.

Politiques, programmes et mesures

Les interventions en matière de préparation et d’emploi soutenu sont généralement efficaces et l’intensité des services offerts est positivement associée à l’occupation d’un emploi

Préparation à l’emploi :
  • chercher le succès à long terme plutôt qu’à court terme,
  • élargir les programmes soutenant la préparation individuelle à l’emploi à l’ensemble des acteurs du marché du travail,
  • offrir des services de soutien misant sur les forces des personnes et non leurs incapacités,
  • favoriser le développement de réseaux de soutien communautaire allant au-delà de la famille et
  • viser l’objectif d’une vie bonne et non seulement l’occupation d’un emploi.
Intégration en emploi :
  • surveiller davantage l’anxiété des personnes ayant des incapacités et référer celles traversant des périodes personnelles difficiles auprès des ressources appropriées,
  • favoriser l’acquisition de compétences sociales,
  • veiller à ce que l’attribution des services de soutien soit réalisée de manière davantage systématique, et moins à partir des seules demandes des employeurs et des personnes ayant des incapacités et
  • se centrer sur les employeurs ayant déjà des personnes ayant des incapacités à leur emploi.
Maintien en emploi :
  • intégrer un plus haut niveau de flexibilité afin de mieux accompagner les personnes ayant des incapacités épisodiques dans un changement en emploi ou devant se retirer temporairement afin d’éviter des baisses de revenus,
  • s’assurer que les crédits d’impôts et autres exemptions soient suffisants,
  • veiller à ce que l’accès aux programmes de soutien ne soit pas basé sur leurs revenus,
  • favoriser la portabilité des programmes de soutien en emploi d’une région à l’autre et
  • donner accès à des programmes de formation tout au long de la vie.
Il est recommandé qu’ils soient :
  • plus sensibles à leurs besoins et disposant de critères d’admissibilité plus faciles à comprendre,
  • plus cohérents entre eux et flexibles face aux changements personnels (problème de santé, invalidité, retraite, etc.),
  • plus faciles à naviguer dans un contexte où les critères d’admissibilité changent d’un programme à l’autre et
  • plus inclusifs de manière à soutenir leur participation au marché du travail.

 

Voir aussi L’enjeu #4 en une page

 


33 MESS. (18 juin 2024). Rapport statistique sur les individus, entreprises et organismes participant aux interventions des Services publics d’emploi. Année 2023-2024. Rapport officiel. (à partir des données extraites le 18 juin 2024). 22 p.
34 Pour la SNMO, les personnes immigrantes (et future population immigrante) constituent le deuxième bassin important de main-d’œuvre disponible (à raison de 22 % de l’offre de main-d’œuvre de 2017 à 2026). Il faut également relever, concernant la future population immigrante, qu’en avril 2018, le Gouvernement fédéral a modifié sa politique d’interdiction de territoire pour les immigrants handicapés afin de permettre à un plus grand nombre d’entre eux de s’installer au Canada. En conséquence, la part des personnes handicapées parmi les immigrants pourrait augmenter dans le futur.
35 Selon l’OPHQ (2017), en effet, parmi la population de 15 ans et plus avec incapacité, l’origine principale de l’incapacité est pour 21,6 % le vieillissement, pour 20,7 % la maladie, pour 14,5 % une blessure ou accident non lié au travail et pour 18,5 %, une cause liée au travail.
36 Statistique Canada. (Décembre 2018). Évaluation de la qualité des emplois au Canada : une approche multidimensionnelle. 36 pages.