3 – Interventions auprès des jeunes personnes handicapées
Pourquoi se préoccuper particulièrement des jeunes handicapés et de leur transition vers le marché du travail? Dès 2018, la Stratégie nationale sur la main d’œuvre (SNMO)26 identifiait les jeunes en général comme le premier « moyen » pour augmenter l’offre de main d’œuvre de 2017 à 2026 (à raison de 54% de l’offre). L’on observe aussi une augmentation importante et constante des personnes handicapées parmi les finissants à tous les ordres d’enseignement27. Les jeunes handicapés de plus de 21 ans notamment continuent de rencontrer certains défis à leur sortie du système scolaire.
Pour ces jeunes handicapés, il semble y avoir une rupture entre l’« inclusion » vécue dans le milieu scolaire et l’ « exclusion » vécue dans le marché du travail. Pour leur permettre de s’intégrer en milieu de travail régulier ou adapté dès la fin de leur processus de scolarisation et éviter ainsi d’avoir besoin de l’aide de dernier recours, plusieurs questions devront trouver des réponses :
- Cette transition est-elle vécue de la même manière par les élèves et étudiants aux différents ordres d’enseignement? Similarité ou variabilité des besoins?
- À partir de quel moment dans le processus de scolarisation, cette démarche de transition doit-elle être engagée? Jusqu’où doit-elle se poursuivre après la sortie de l’école?
- Au-delà de l’arrimage déjà existant particulièrement entre les ministères de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) et de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et au-delà de la Démarche de transition de l’école vers la vie active (TEVA)28 proposée par le MEES au niveau secondaire et qui touche à toutes les sphères de vie, quels sont les autres acteurs qui doivent intervenir autour de la transition et de quelle manière?
Au-delà d’une présence significative des jeunes handicapés sur l’aide de dernier recours, il faut noter qu’au Québec, 14% des personnes avec incapacité de 15 ans et plus reçoivent une prestation d’assistance sociale29. Cette proportion est plus élevée chez les 15 à 34 ans (27%) et les 35 à 64 ans (22 %) que chez les 65 ans et plus (1,8%).
Par ailleurs, les données du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS)30 nous démontrent que parmi les adultes prestataires des programmes d’assistance sociale en août 202431, les personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi32 constituent 37,17 % de la clientèle soit 107 664 personnes.
Dans le contexte persistant de rareté/pénurie de main d’œuvre, ne serait-il pas intéressant de se pencher davantage sur le potentiel d’employabilité des personnes dites « ayant des contraintes sévères à l’emploi » en tenant compte de leurs capacités et de leurs projets de vie, et sur leur accès et utilisation plus larges aux mesures actives de Services Québec, via notamment les Services spécialisés de main d’œuvre- Personnes handicapées (SSMO-PH)? Et d’identifier quels sont les éléments (y compris d’ordre financier ou fiscal) dans les services/programmes/mesures gouvernementaux qui empêcheraient ou qui favoriseraient l’intégration ou la réintégration en emploi de plusieurs de ces personnes?
NB : L’Avis déposé en mai 2021 a examiné la transition de l’école au travail des jeunes personnes handicapées plus particulièrement de niveau postsecondaire et a répondu à plusieurs des questions posées ci-dessus, mais spécifiquement pour cette population.
La Revue de littérature faite récemment complète cet enjeu en abordant particulièrement la question de la transition secondaire-marché du travail.
Importance de la transition secondaire-marché du travail
Grande importance parce que les jeunes ayant des incapacités :
- n’ont souvent pas eu la possibilité d’avoir des expériences socioprofessionnelles significatives alors qu’ils sont à l’école secondaire,
- ne possèdent pas les mêmes aptitudes socioprofessionnelles que les autres et
- n’ont pas l’habitude de discuter de leurs incapacités et de leurs besoins avec des employeurs.
Une transition difficile peut conduire à de l’isolement social, des périodes d’inactivité professionnelle, ainsi qu’avoir des effets négatifs sur leur identité professionnelle, leur carrière, la perception de leur santé et leur qualité de vie.
Obstacles à la transition secondaire-marché du travail
- inconsistance des programmes éducatifs adaptés au secondaire,
- perte du soutien des personnes professionnelles des réseaux de l’éducation et des services sociaux une fois l’école secondaire terminée (passage aux programmes « adultes »),
- discriminations rencontrées lors de la recherche d’emploi et en emploi et
- étendue du réseau social et qualité des relations familiales.
Solutions pour soutenir la transition secondaire-marché du travail
Politiques et services :
- mise en place de politiques encadrant l’accessibilité et l’accès aux accommodements dans les milieux d’emploi,
- développement de services de transitions secondaire-marché du travail adaptés aux réalités des personnes sourdes ou ayant des incapacités auditives et
- financer adéquatement les organismes à but non lucratifs impliqués dans les transitions secondaire-marché du travail.
Pratiques d’intervention en éducation :
- faire commencer la transition tôt dans le parcours scolaire,
- nourrir l’identité personnelle, l’espoir, la résilience et le sentiment d’accomplissement,
- s’assurer que les objectifs du plan de transition soient observables et mesurables,
- augmenter leur nombre de contacts avec le marché du travail et
- considérer les normes sociales associées au genre dans les interventions.
Le rapport « Planifier la transition de l’école à la vie adulte (TÉVA) des jeunes handicapés : quelles sont les meilleures pratiques pour le Québec ? » identifie plusieurs bonnes pratiques dans les domaines suivants :
- 1) planification axée sur l’élève
- 2) soutien au développement de l’élève
- 3) collaboration intersectorielle
- 4) engagement de la famille
- 5) structure du programme
Certains appellent à ce que les établissements postsecondaires soient davantage impliqués dans le soutien des transitions postsecondaire-marché du travail, par exemple en proposant des plans d’intervention et un soutien personnalisé aux personnes en ayant besoin.
Voir aussi L’enjeu #3 en une page
26 Gouvernement du Québec. (2018). Stratégie nationale sur la main-d’œuvre 2018-2023. Le Québec à l’ère du plein emploi. Pages 15 à 17.
27 Par exemple, Le Devoir. (7 mars 2018). Le nombre d’étudiants souffrant de déficience bondit dans les établissements postsecondaires.
28 MEES. (2018). Guide pour soutenir la démarche de transition de l’école vers la vie active (TEVA).24 pages.
29 OPHQ. (2017). Les personnes avec incapacité au Québec. Caractéristiques sociodémographiques et économiques. Volume 2.
30 MESS. (Novembre 2024). Bassins de clientèle potentielle, participants aux interventions des services publics d’emploi et perspectives pour la planification 2025-2026. 17 p.
31 Voir référence ci-dessus
32 Au Programme de solidarité sociale, les personnes avec contraintes sévères à l’emploi ont démontré, par un rapport médical, que leur état physique ou mental est affecté de façon significative, pour une durée permanente ou indéfinie.